Le mouvement Nabi, qu'est ce que c'est ?
Édouard Vuillard - Femme lisant dans les roseaux - 1909 |
Le mouvement nabi (dont les membres sont les nabis) est un mouvement artistique postimpressionniste d'avant-garde, né en marge de la peinture académique de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle.
Histoire :
Nabi est le nom que se sont donné les jeunes peintres qui se regroupent autour de Paul Sérusier, vers 1888. Le terme nabi, en arabe, ou nebiim, en hébreu, signifie dans un sens actif « orateur » ou « annonciateur », ou, dans un sens passif, « celui qui est ravi dans une extase » ou « appelé par l'esprit ». En Occident, nabi a été traduit par « prophète », « illuminé », ou encore « celui qui reçoit les paroles de l'au-delà », « l'inspiré de Dieu ».
Ce cercle nait d'une controverse autour d'une peinture de Paul Sérusier, Le Talisman, l'Aven au Bois d'Amour, réalisée sous la direction de Paul Gauguin, rencontré en Bretagne à Pont-Aven, durant l'été 1888. Gauguin encourage Sérusier à se débarrasser de la contrainte imitative de la peinture, à user de couleurs pures et vives, à ne pas hésiter à exagérer ses visions, et à donner à ses peintures sa propre logique décorative et symbolique.
Paul Sérusier. Le Talisman (1888). |
Lorsque Sérusier revient à Paris, son tableau fait naître des débats enflammés avec les autres étudiants de l'Académie Julian et de l'École des Beaux-Arts, sur le rôle sacré de l'art et de la peinture. Sérusier forme le groupe des nabis, avec ses proches amis, Pierre Bonnard, René Piot, Henri-Gabriel Ibels, Maurice Denis, Édouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel, Paul Ranson. En 1891, le Hollandais Jan Verkade, en 1892, le Suisse Félix Vallotton, puis Georges Lacombe, Mogens Ballin, József Rippl-Rónai, Charles Filiger, Adolf Robbi, ainsi que le sculpteur Aristide Maillol3, les rejoignent.
Ils se donnent tous un surnom, signe de leur initiation, et paraphent les lettres qu'ils échangent du sigle ETPMVMP (« En ta paume mon verbe et ma pensée ») :
- Paul Sérusier : « le nabi à la barbe rutilante », ou « le bon nabi », ou encore « nabi boutou coat »
(le nabi aux sabots de bois en breton) ;
- Pierre Bonnard : « le nabi très japonard » ;
- Paul-Élie Ranson : « le nabi plus japonard que le nabi japonard » ;
- Maurice Denis : « le nabi aux belles icônes » ;
- Édouard Vuillard : « le nabi zouave » ;
- Henri-Gabriel Ibels : « le nabi journaliste » ;
- Jan Verkade : « le nabi obéliscal » ;
- Mogens Ballin : « le nabi danois » ;
- Georges Lacombe : « le nabi sculpteur » ;
- József Rippl-Rónai : « le nabi hongrois » ;
- Félix Vallotton : « le nabi étranger ».
Le mouvement ne dure que quelques années. Les nabis, vers 1900, prennent des voies différentes. Il faut toutefois préciser que l'appellation « nabi » n'aura jamais été publique ni revendiquée lors des expositions de ces artistes à l'époque. Son usage courant dans l'historiographie ne date que des années d'après la Seconde Guerre mondiale et ne connaît une plus grande diffusion qu'à partir des années 1980. En effet, au xixe siècle, le terme est utilisé entre eux par les peintres, non sans une certaine distance, voire avec humour, et il ne recouvre pas non plus une spiritualité réelle ou commune, ni une véritable société rituelle. Ainsi le Portrait de Paul Ranson en tenue nabique par Sérusier (Paris, musée d'Orsay), est-il purement fantaisiste.
Edouard Vuillard - Deux femmes sous la lampe de Edouard Vuillard, 1892 |
Caractéristiques :
En réaction à l'impressionnisme, au naturalisme, les nabis veulent libérer leur peinture des exigences du réalisme, comme Henri-Gabriel Ibels a pu l'écrire : « Ensemble, nous avons méprisé l'école et les écoles, les rapins, leurs traditions, leurs farces et leurs bals inutilement nudistes. Ensemble nous nous sommes sérieusement amusés. »
Détachés ou non du christianisme, les artistes nabis cherchent des voies plus spirituelles au contact de philosophies et de doctrines nouvelles teintées d'Orient, d'orphisme, d'ésotérisme et de théosophie5. Ils s'appliquent à retrouver le caractère « sacré » de la peinture et à provoquer un nouvel élan spirituel au moyen de l'art.
L'art des nabis qui continue celui de l'école de Pont-Aven, de Gauguin, de Van Gogh, de Cézanne, et d'Odilon Redon, s'imprègne, comme les œuvres des musiciens de leur époque, Satie et Debussy, d'orientalisme et de japonisme, notamment au travers des ukiyo-e parus dans la revue Le Japon artistique. Vuillard a possédé une importante collection d'objets japonais. Ils se sont nourris des textes de sagesse orientale et des ouvrages ésotériques et « occultisants », fort en vogue à l'époque.
Quelques œuvres des nabis ci-dessous :
Pierre Bonnard - Intimité (1891) |
Paul-Elie Ranson (1861-1909) - Deux femmes à la fontaine (vers 1900) |
Maurice Denis – Le mystère de Pâques |
Edouard Vuillard - Deux ouvrières dans l'atelier de couture (Two Seamstresses in the Workroom) - 1893 |
Henri-Gabriel Ibels - Personnages dans un pré |
Jan Verkade - Nature morte aux pommes, 1891 |
Mogens Ballin - Landscape (c. 1892) |
Georges Lacombe - La Mer jaune, Camaret (vers 1892) |
József Rippl-Rónai - Femme avec trois filles (entre 1907 et 1911) |
Félix Vallotton - Clair de Lune (1895) |
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