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André Derain, Effets du soleil sur l’eau, Londres, 1906. |
Le fauvisme (ou les fauves) est un courant et un style artistique né en France au début du XXe siècle. Les artistes de ce mouvement privilégient les qualités picturales et la couleur forte. Le mouvement en tant que tel n'a duré que quelques années. Les chefs de file du mouvement sont les peintres André Derain et Henri Matisse.
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Henri Matisse, Port d'Avall, Colioure (1905) |
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Andre Derain - London Bridge (1906) |
Le fauvisme est caractérisé par la nouveauté de ses formes simplifiées, cloisonnées par des contours très marqués, et l'audace de ses recherches chromatiques. Les peintres ont recours à de larges aplats de couleurs pures et vives, voire violentes, et ils revendiquent un art fondé sur l'instinct. Ils séparent la couleur de sa référence à l'objet, afin d'accentuer l'expression, et réagissent de manière provocatrice contre les sensations visuelles et la douceur de l'impressionnisme : c'est à cet égard que leur courant peut être rattaché à l'expressionnisme apparu en Allemagne à peu près au même moment.
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Georges Braque - The Port of L'Estaque, 1906 |
Le mot « fauves » est employé pour la première fois par Louis Vauxcelles à l'occasion du Salon d'automne de 1905. Dans un article sur cet événement publié le 17 octobre dans Gil Blas, le journaliste décrit le salon salle par salle, notant à propos de la septième, qui fait scandale :
« Salle archi-claire, des oseurs, des outranciers, de qui il faut déchiffrer les intentions, en laissant aux malins et aux sots le droit de rire, critique trop aisée. […] Au centre de la salle, un torse d'enfant et un petit buste en marbre d'Albert Marque, qui modèle avec une science délicate. La candeur de ces bustes surprend au milieu de l'orgie des tons purs : Donatello chez les fauves... »
La salle VII contient dix œuvres d'Henri Matisse, chef de file du mouvement, neuf d'André Derain et cinq pour chacun des autres, Maurice de Vlaminck, Albert Marquet, Charles Camoin, Henri Manguin, Marc Chagall. Exposés pour certains ailleurs dans le Salon, Raoul Dufy, Kees van Dongen, Othon Friesz, Jean Puy, Jules Flandrin, Jacqueline Marval, Auguste Chabaud, Georges Rouault ou encore Georges Braque appartiennent au mouvement ou lui sont liés.
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Maurice de Vlaminck, Sous-Bois (Paysage), 1905. |
Plusieurs influences communes peuvent être reconnues dans les œuvres de ces artistes.
Les néo-impressionnistes constituent la première source. Leurs touches particulières, qui juxtaposent des couleurs pures au lieu de les mélanger, laissant à l'œil du spectateur le soin d'effectuer un travail de recomposition, sont reprises par Matisse, qui fut élève de Paul Signac à l'été 1904, et qui les transmet à son tour à Derain. Luxe, Calme et Volupté (1904) en est un exemple emblématique. Autour d’eux se forme un groupe de peintres (notamment Georges Braque, Henri Manguin, Charles Camoin) passionnés par cette utilisation de la couleur pure.
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Henri Matisse - Luxe, calme et volupté 1904 |
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Bateaux à Collioure, 1905, André Derain |
Manguin lui-même est à la fois proche de Matisse, de Signac ou Henri-Edmond Cross, peintres divisionnistes s'il en est, tandis que Camoin fait directement référence à Manet par la concision de son dessin.
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Henri Manguin (1874-1949) - Jeanne sur le balcon à la villa Demière (1905) |
Certains utilisent plutôt la technique de Gauguin, avec de grands aplats. Matisse et Derain n'hésitent pas non plus à s'en servir, et oscillent parfois entre les influences pointillistes et de Gauguin. Dans Japonaise au bord de l'eau, Matisse montre cette hésitation, en utilisant des touches assez longues quoique distantes l'une de l'autre, et même, à certains moments, des aplats.
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Henri Matisse - Japonaise au bord de l'eau (1905) |
De même, Derain compose parfois ses toiles avec de larges rubans de couleurs (Le Faubourg de Collioure, 1905), alors que, dans des œuvres contemporaines (Bateaux dans le port de Collioure, Effets de soleil sur l'eau), il n'utilise que de petites touches juxtaposées.
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André Derain -Bateaux au port de Collioure |
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André Derain, Effets du soleil sur l’eau, Londres, 1906. |
Il est également important de souligner l'influence que Louis Valtat (1869-1952) eut auprès de Matisse et des futurs fauves, Rouault, Marquet, Camoin, Manguin, Puy et quelques autres qui suivaient en 1896 l'enseignement de Gustave Moreau à l'École des beaux-arts de Paris. Valtat présenta d'ailleurs, aux côtés de Kandinsky et Jawlensky, cinq peintures dans la salle XV du Salon d'automne de 1905 ; mais dès le Salon des indépendants de 1896, il exposa des peintures réalisées à Arcachon durant l'hiver 1895-1896, ainsi que quatre-vingts aquarelles, des dessins et des bois gravés qui comprenaient déjà des caractéristiques du fauvisme : des couleurs pures, des formes simplifiées, des perspectives abolies et des ombres supprimées.
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Louis Valtat - Les rochers rouges à Agay (1905) |
Cézanne aussi est une source d'inspiration importante. Dans La Gitane de 1905, peinte à Saint-Tropez, Matisse reprend ainsi la géométrisation du corps des personnages caractéristique du solitaire d'Aix. Derain quant à lui s'en inspire dans La Danse, pour mener sa réflexion sur la place de la figure humaine dans un paysage, autant que dans Les Baigneuses de 1907, pour styliser ses figures. De même, la composition du Port de Collioure, très réfléchie, fait beaucoup penser à Cézanne.
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André Derain - Port de Collioure, le cheval blanc (1905) |
Chez Vlaminck, c'est plutôt l'héritage de Van Gogh que l'on retrouve, comme le montre Partie de campagne, réalisé en 1905. Bien qu'hostile aux institutions muséales, il avait découvert cet artiste lors d'une exposition en 1901 chez Bernheim-Jeune, ce qui avait définitivement orienté sa carrière vers la peinture. C'est d'ailleurs à cette même exposition que Derain le présenta à Matisse.
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Maurice de Vlaminck - Partie de campagne (1905) |
De plus, caractéristique encore plus choquante pour la période, le peintre ne respecte plus la réalité observable mais bien une réalité intérieure, picturale, puisque le choix des couleurs est arbitraire : les arbres peuvent ainsi être rouges, bleus, ou la peau verte…La touche, elle, est très variable selon les artistes ou même les tableaux, à l’image de Derain qui s’essaye aux aplats mais aussi au pointillisme. La majorité des tableaux montrent aussi un travail de simplification des formes.
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André Derain - Paysage à l Estaque (1906) |
La nouvelle esthétique s'appuie sur des thèmes précis comme l'opposition aux nuances de la palette impressionniste, le goût du monumental, le refus de l'évocation réaliste de la nature et les recherches de transpositions de la couleur. On trouve des visions féériques et multicolores de ciels verts, de fleurs rouge vermillon, d'arbres couleur citron, de visages vert émeraude et ceci, dans l'intention de substituer aux harmonies mesurées mais conventionnelles de l'écriture traditionnelles, des polyphonies colorées par l'emploi de la couleur telle que sortie des tubes, que Derain comparera à des cartouches de dynamite.
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Andre Derain - Montagnes Collioure (1905) |
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Georges Braque - La petite baie de la Ciotat (1907) |
Contrairement à l’Impressionnisme qui s’attachait surtout au genre du paysage, les sujets des tableaux Fauvistes sont nombreux. La nature demeure néanmoins un sujet de prédilection, tout particulièrement les paysages du Sud de la France, car ils présentent un luminosité qui fascine les artistes du mouvement. Les paysages de l’Estaque, de Collioure ou Saint-Tropez sont ainsi très présents dans les œuvres de Matisse, Derain ou encore Camoin.
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Place des Lices à St-Tropez par Henri Matisse 1904 |
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André Derain - L'Estaque (1905) |
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Charles Camoin - Le port de Cassis aux deux tartanes, 1905 |
Cependant, certains peintres s’intéressent au Nord de la France, à l’image d'Albert Marquet et Maurice de Vlaminck. On remarque que les arbres constituent un sujet de prédilection pour tous. La ville, elle aussi, est représentée.
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Albert Marquet - La Plage de Fécamp (1906) |
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Maurice de Vlaminck - Une vue de la Seine (1908) |
Enfin, de nombreux portraits suivent les principes du Fauvisme, tels que les célèbres La raie verte de Matisse ou encore Portrait de Matisse par Derain.
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Henri Matisse - La raie verte (1905) |
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André Derain, Portret van Henri Matisse, 1905 |
Les fauves s'avisent d'ordre, de mesure dans un domaine où ils redoutent les pires excès, les pires erreurs. Ils usèrent d'un moyen étonnamment brillant : charger la couleur d'organiser sa propre discipline. Le sujet n'est considéré que sous l'angle de sa seule fonction plastique et désormais, le degré d'intensité du ton, la mesure des surfaces peintes, la répartition des blancs, la distribution des cernes expressifs, le développement des arabesques inspirées favorisent la cohésion et l'équilibre souhaités. L'éternel problème de la profondeur et de l'illusion de l'espace est résolu par la puissance et le choix de la place des tons. La lumière n'est plus source d'éclairage, mais d'intensité et tout accident est rejeté au bénéfice de l'essentiel. La simplification est la garantie de la multiplicité des tons. Une toute nouvelle grammaire est imaginée, codifiée selon des logiques personnelles et, sans doute, l'intention suprême de l'artiste reste de retrouver la sensation première du choc éprouvé et les fauves entendaient laisser l'instinct s'organiser de façon à ne pas trahir la liberté qu'il avait prise vis-à-vis de l'objet de son émotion. Les fauves ne veulent plus compromettre leurs chances d'être compris.
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André Derain - Le Bassin de Londres '1906) |
Ce mouvement ne dure cependant que le temps de voir surgir quelques œuvres magnifiques de lyrisme et de couleurs. La dispersion rapide des fauves atteste que la tentative ne fut pas menée au bout de ses conséquences. Il existe une marge qui reste considérable entre ce que les fauves voulaient être et ce qu'ils sont devenus. Matisse commença à sentir les limites du mouvement et il n'osa pas les franchir, de peur de rompre avec une réalité traditionnelle de la nature dont il ne pouvait se passer. Finalement, le fauvisme s'affirme plus comme une technique qu'une esthétique.
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Maurice de Vlaminck - Remorqueur sur la Seine, Chatou (1906) |
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André Derain - Charing Cross Bridge (1906) |
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Albert Marquet - Baie de Naples (1908) |
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Charles Camoin - Marseille, Port et notre Dame de la Garde (1904-1905) |
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Henri Manguin - Le 14 juillet à Saint-Tropez (1905) |
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