Pierre Bonnard (30/10/1867 - 23/01/1947), peintre français.

Pierre Bonnard - Paysage de Haute-Savoie (1918)


Pierre Bonnard, né le 3 octobre 1867 à Fontenay-aux-Roses (Seine) et mort le 23 janvier 1947 au Cannet (Alpes-Maritimes), est un peintre, décorateur, illustrateur, lithographe, graveur et sculpteur français.

Issu de la petite bourgeoisie, esprit à la fois modeste et indépendant, il se met très tôt à dessiner et à peindre. Il participe à la fondation du groupe postimpressionniste des nabis, qui entendent exalter les couleurs dans des formes simplifiées. Vénérant toutefois les impressionnistes, Bonnard va tracer son chemin personnel à l'écart des avant-gardes qui suivront : fauvisme, cubisme, surréalisme. Il produit énormément et connaît le succès dès le tournant du siècle. Grand voyageur amoureux de la nature, il se retire volontiers dans sa maison de Normandie mais découvre aussi la lumière du Midi : gardant un pied à Paris, il s'installe en 1927 au Cannet, avec Marthe, sa compagne et son modèle durant près de cinquante ans.


Pierre Bonnard - Au début du printemps

Très actif dans les arts graphiques et décoratifs, tenté un temps par la sculpture, Pierre Bonnard est avant tout peintre. Observateur doué d'une grande mémoire visuelle et sensitive, il ne travaille qu'en atelier, privilégiant les genres classiques de la peinture figurative : paysage, marine, nature morte, portrait et nu féminin, qu'il combine aussi dans ses scènes d'intérieur. Ses sujets tirés de la vie quotidienne et sa façon de les traiter lui ont valu les étiquettes de « peintre du bonheur », « intimiste bourgeois » ou « dernier des impressionnistes ». Aussi la question a-t-elle été posée à sa mort : était-il un grand artiste, ou du moins un peintre moderne ?


Pierre Bonnard - Petite fille avec un chien (1930)

Études et rétrospectives révèlent une œuvre plus complexe et novatrice qu'il n'y paraît : prééminence de la sensation sur le modèle, affirmation de la toile comme surface à travers la composition, maîtrise incomparable de la lumière et de la couleur — sa palette de plus en plus riche et éclatante fait de lui l'un des plus grands coloristes du XXe siècle. Indifférent aux critiques comme aux modes, peu porté aux spéculations sans être étranger aux débats esthétiques de son temps, Pierre Bonnard est un peintre passionné qui n'a cessé de réfléchir à sa pratique et à la façon de rendre vivante, selon ses propres termes, non la nature, mais la peinture même.


Pierre Bonnard - La fenêtre ouverte (1921)


Biographie :

Les photographies montrent de Bonnard son allure dégingandée, et un air comme étonné derrière les lunettes cerclées de métal. Doux, discret et solitaire mais de bonne compagnie, plein d'humour avec des accès de gaieté et d'enthousiasme juvéniles, Pierre Bonnard est également enclin à une certaine mélancolie. S'il se confie peu à ses proches, notamment sur sa relation complexe avec Marthe, il le fait à travers sa peinture.


Pierre Bonnard - Auto-portrait (1889)


Les années de jeunesse (1867-1887) :

Pierre, Eugène, Frédéric Bonnard, né 17 rue de Châtenaya à Fontenay-aux-Roses, est le fils d'Eugène Bonnard, chef de bureau au ministère de la Guerre, et d'Élisabeth Mertzdorff. Il a un frère aîné, Charles, mais se sent plus proche de leur cadette, Andrée. Les informations, parcellaires, indiquent une enfance heureuse, et une vocation encouragée d'abord par les femmes de la famille, jusqu'à la rencontre avec les nabis.

La vie de cette famille parisienne unie et ouverte est ponctuée de séjours à la campagne. Le grand-père paternel, Michel Bonnard, était agriculteur et marchand de grain dans le Dauphiné : chaque été ramène la famille dans la demeure du Grand-Lemps, dont le vaste jardin jouxte une ferme où l'enfant découvre les animaux. Adolescent, il trouve là du temps pour peindre ; adulte, il y retrouve les siens à la belle saison, jusqu'à la vente du « Clos » en 1928 : c'est pour lui comme un retour au paradis terrestre.


Pierre Bonnard - Auto-portrait (1889)


Essor d'une vocation : 

La vocation précoce de Bonnard le conduit à une sorte de double vie : étudiant sage d'un côté, artiste en herbe de l'autre.

Bonnard observe et dessine depuis qu'il est tout jeune, sans cesse, partout, des scènes saisies au vol. Un carnet d'esquisses de 1881 contient sa première aquarelle de la Seine à Paris. Les étés suivants il dessine autour du Grand-Lemps et jusqu'au lac de Paladru. De 1887 ou 1888 datent ses premières huiles, petits paysages du Dauphiné dans le genre de Corot, probablement peints en plein air comme il fait aussi à Chatou ou à Bougival.


Pierre Bonnard - Ferme dans un paysage du Dauphiné (vers 1887)

Pierre Bonnard - Petit paysage en Dauphiné (vers 1888)

Dans sa jeunesse, Pierre Bonnard montre un intérêt pour les lettres, le latin, le grec, la philosophie, ainsi que pour le dessin et la couleur. En 1885, après avoir obtenu son baccalauréat, il entre en faculté de droit, selon les désirs de son père. Il obtient sa licence en 1888. Il suit en même temps les cours de l'Académie Julian et est admis à l'École des beaux-arts de Paris, où il rencontre Édouard Vuillard, de qui il se rapproche. Il découvre les peintures de Paul Gauguin, Edgar Degas, Claude Monet et Paul Cézanne.


Pierre Bonnard - Dans la campagne (Grand-Lemps), vers 1888

Bonnard et les nabis :

Pierre Bonnard est de ceux qui créent le mouvement nabi en référence à l'art de Paul Gauguin.

En octobre 1888, Paul Sérusier, massier à l'académie Julian, revient de Bretagne, où il a peint sur le couvercle d'une boîte à cigare et sous la direction de Paul Gauguin L'Aven au bois d'amour : pour ses camarades qui ignorent tout des évolutions récentes en peinture, ce tableautin est une révélation et ils en font leur « talisman ».


Paul Sérusier. Le Talisman (1888).

Le groupe s'est offert un tableau de Gauguin que chacun emporte à tour de rôle, mais Bonnard l'oublie souvent : sa mémoire lui suffit et il n'a pas besoin d'icône chez lui. L'Exercice, peint au printemps 1890 pendant sa période militaire, est l'un de ses premiers essais pour jouer des couleurs vives en alignant avec humour sur trois plans des petits soldats aux contours bien marqués.


Pierre Bonnard - L'Exercice (1890)


Le « nabi japonard » :

Au sein du groupe, Bonnard est le plus influencé par l'art japonais.

La vogue du japonisme, lancée au milieu du XIXe siècle et culminant vers 1890, séduit les nabis par l'emploi de couleurs pures sans dégradés, le renouvellement de la perspective, un sujet saisi en plongée ou contre-plongée avec un horizon très bas ou très haut. Leur production s'élargit aux objets décoratifs : dès 1889 Bonnard réalise des paravents librement inspirés des motifs qu'il a pu découvrir dans la revue Le Japon artistique éditée par Siegfried Bing dont Femmes au jardin, paravent pour lequel Bonnard fait poser sa sœur et sa cousine en 1890. En 1892 il réalise La Partie de croquet.


Pierre Bonnard - Femmes au jardin (1891)

Crépuscule ou La partie du croquet - Pierre Bonnard  (1892)


Vers la reconnaissance (1887-1900) :

Au cours des dix ans d'existence du groupe nabi, Bonnard reste très lié à Vuillard par son besoin d'indépendance et sa méfiance envers les théories. Il s'associe souvent avec lui aux projets collectifs. Il se fait connaître par les arts graphiques et décoratifs, sans réprimer pour autant son admiration pour les impressionnistes ni son attirance pour des sujets intimistes.


Pierre Bonnard - France-Champagne (1891)

Pierre Bonnard - France-Champagne (1891)

Le modèle sur les affiches en est sans doute Misia, l'épouse de Thadée Natanson, qui reçoit rue Saint-Florentin. Pianiste de talent d'une beauté un peu canaille, elle est l'égérie parfois cruelle des jeunes artistes et intellectuels des années 1890. Bonnard a laissé d'elle plusieurs dessins dont un nu, et continue à la peindre après son divorce de Natanson.

Marthe :

En 1893, Pierre Bonnard s'éprend de celle qui restera son principal modèle et, malgré ses mystères, la femme de sa vie.

Probablement au printemps 1893, Bonnard ose aborder une jeune fille qui descend d'un tramway : séduit par sa grâce fragile, il lui demande de poser pour lui. Vendeuse dans une boutique de fleurs artificielles, elle lui dit avoir seize ans, s'appeler Marthe de Méligny et être une aristocrate orpheline. Le modèle devient vite la maîtresse. C'est apparemment lorsqu'il l'épouse en août 1925 que le peintre découvre qu'elle se nomme Maria Boursin. Marthe lui offre tantôt une présence discrète propice à la création, tantôt l'image d'un érotisme sans artifice.


Pierre Bonnard - L'Omnibus (1895)

Dès 1893 le nu apparaît massivement dans son œuvre : si plusieurs tableaux reprennent le topos des bas noirs, La Baignade montre Marthe en nymphe dans un cadre de verdure, et dans Nue à contre-jour Bonnard crée « cette silhouette fuselée à la Tanagra » récurrente dans sa peinture : corps juvénile et élancé, longues jambes, petits seins haut placés. Figurant sur quelque 140 tableaux et 700 dessins, en train de lire, de coudre ou à sa toilette, la compagne de Bonnard a pu aussi lui inspirer des passantes comme celle de L'Omnibus.


Pierre Bonnard - La Baignade (avant 1947)

Pierre Bonnard - Nu à Contre-jour (1908)


La crise de 1895 :

Cet été marque pour Bonnard le tournant où « il abandonne l'esthétique nabi pour se tourner vers l'impressionnisme ».

La fin du siècle voit décliner les courants du postimpressionnisme. Bonnard date de cette époque sa vraie découverte des grands peintres impressionnistes, à travers notamment le legs Caillebotte au musée du Luxembourg début 1897. Bonnard en apprend selon Watkins à utiliser la peinture en touches visibles et à se détacher de l'objet pour privilégier l'atmosphère. Camille Pissarro lui trouve alors « un œil de peintre » prometteur.


Pierre Bonnard - Le Repas des enfants (1895)

Pierre Bonnard - Place Clichy et Sacré-Coeur (1895)


La maturité (1900-1930) :

Au début des années 1900, Bonnard voyage beaucoup à l'étranger, d'abord à Venise et à Milan en 1899, avec Roussel et Vuillard, puis en Espagne en 1901, Séville, Grenade, Tolède, Madrid. 

Pierre Bonnard se cherche de nouveaux horizons en France comme à l'étranger, et entretient des liaisons en marge de son union avec Marthe. Il se rapproche de la nature dans sa maison normande puis dans sa villa du Midi. Sa maturité artistique semble atteinte vers 1908 : les aplats nabis ne dominent plus, sa palette s'est éclaircie et il soigne la composition. Juste avant la Première Guerre mondiale, il réinterroge ses rapports avec l'impressionnisme, redécouvrant la nécessité du dessin, mais en lien avec les couleurs.


Pierre Bonnard - Sous la Lampe (1899)

Pierre Bonnard - Le pont du Carrousel (vers 1903)

De 1904 date son premier séjour à Saint-Tropez, où il rencontre Paul Signac, qui lui reproche encore des couleurs ternes et un laisser-aller dans les formes.

C'est en juin et juillet 1909 que Bonnard, revenant à Saint-Tropez chez un ami Henri Manguin ou Paul Simon, dit avoir éprouvé un éblouissement, « un coup des Mille et Une Nuits. La mer, les murs, jaunes, les reflets aussi colorés que les lumières… ». Dès lors, tous les hivers et parfois à d'autres saisons, il loue au moins un mois par an à Saint-Tropez, Antibes ou Cannes.



Pierre Bonnard - Paul Signac et ses amis dans un voilier (1924)

Pierre Bonnard -Saint-Tropez - Pier (1912)

La révélation pour Bonnard de la lumière éclatante du Midi, estime l'historien d'art Georges Roques, s'est érigée en un mythe qu'il a conforté lui-même, alors que la lumière changeante du Nord l'attirait au moins autant. Watkins, rappelant l'admiration de Bonnard pour Eugène Boudin, pense aussi que les ciels nuageux et les paysages verdoyants du Nord sont dans son art un complément nécessaire à la chaleur du Sud — Vernon, où il a rencontré Claude Monet en 1909, lui paraissant en outre un paradis terrestre à l'abri du monde moderne.


Pierre Bonnard - La liseuse et la femme au chien (1909)

Pierre Bonnard - Remorqueur sur la Seine (1911)

Pierre Bonnard - Plaisir de Campagne (1908)

De fait, le peintre, sans exclure d'autres destinations, n'a plus cessé de se partager entre ces trois pôles : la Ville (Paris), le Nord (la Normandie) et le Sud (la Côte d'Azur). Il transportait ses toiles d'un endroit à l'autre roulées sur le toit de sa voiture. Sans renoncer à l'étranger, Bonnard ne cesse plus de sillonner la France, de Wimereux à la Côte d'Azur, et d'Arcachon, où ont résidé les Terrasse, aux villes d'eau comme Uriage-les-Bains, où Marthe fait des cures.


Pierre Bonnard -  Beau temps orageux (1910 - 1911)

Pierre Bonnard - Calle d' Arcachon

Pierre Bonnard - Paysage à Uriage

Pierre Bonnard - Fenêtre ouverte sur la Seine (Vernon) 1911 - 1912)

Pierre Bonnard- le Matin à Paris. 1911

En 1905 et 1906, il entreprend une croisière en Belgique et aux Pays-Bas.

Bonnard semble trouver sa voie dans un retour à un certain impressionnisme, introduisant le mystère dans l'apparence visible. Il représente de nombreux nus, tous posés par Marthe, auxquels il associe des motifs de son quotidien (jardin, fruits). L'étude de la femme à la toilette devient primordiale dans ces années du début du siècle.


Pierre Bonnard- La Cheminée (Femme à sa toilette), 1916

Pierre Bonnard - Femme accoudée avec chien et nature morte , 1917

Pierre Bonnard - Iris et lilas (1920)

Décorateur en vogue, il est l'un des plus recherchés parmi les (anciens) nabis, Bonnard reçoit des commandes pour de vastes décors.

Entre 1906 et 1910, il réalise notamment pour Misia Edwards quatre grands panneaux dans le goût baroque de la « reine de Paris » : Le Plaisir, L'Étude, Le Jeu et Le Voyage (ou Jeux d'eau). Le thème y compte moins que les variations sur une Arcadie mythique : enfants, baigneuses, nymphes, faunes et animaux folâtrent dans des paysages de fantaisie bordés de singes et de pies voleuses. 


Pierre Bonnard - Le plaisir , 1906

Bonnard travaille aussi pour l'homme d'affaires Ivan Morozov, grand collectionneur d'art moderne. C'est d'abord, en 1911, un triptyque pour l'escalier de son hôtel particulier à Moscou : reprenant L'Allée peinte l'année précédente à Grasse, l'artiste l'encadre de deux autres panneaux à peine plus larges pour constituer Méditerranée. Cette mise en scène de femmes et enfants au jardin, renouant dans des teintes adoucies avec un certain réalisme, est exposée au Salon et complétée ensuite par Le Printemps et L'Automne.


Pierre Bonnard - La Méditerranée; tryptique 1911


Entre 1913 et 1915, son ambivalence vis-à-vis de l'impressionnisme provoque chez Bonnard une crise plus profonde que celle des années 1890 car elle touche à « l'essence même de sa vision de peintre.

Au début du siècle Bonnard se cherche encore : il élargit ses vues de Paris, ajoute les marines aux paysages, associe scènes intimistes, nus, natures mortes. À l'époque où Pablo Picasso et Georges Braque lancent le précubisme, il développe — dans un apparent anachronisme d'inspiration et de manière — un sens nouveau de la composition, « clef de tout » selon lui : il découpe ses paysages en plans successifs, inaugure des cadrages de type photographique, imagine des intérieurs où un miroir occupe l'espace et médiatise la représentation des objets. Toutefois il prend peu à peu conscience qu'il a pu négliger les formes au profit de la couleur. Aussi revient-il au dessin, développant l'art du croquis jusqu'à y noter les variations de climat et d'ambiance. Lui qui ne peint plus jamais sur le motif a toujours en poche un agenda.


Pierre Bonnard - Jeune fille jouant avec son chien, 1913

Pierre Bonnard - La Terrasse à Grasse (1912)

Pierre Bonnard - Café (1915)

En 1916, loin de l'actualité, il réalise un ensemble destiné aux frères Bernheim revenant à un âge d'or évoquant Virgile : Symphonie pastorale, Monuments, Le Paradis terrestre, Cité moderne juxtaposent ou combinent art et nature, travail et loisir, références classiques et bibliques, temporel et éternel. En 1917 Bonnard décore la Villa Flora des époux Hahnloser, qui lui ont permis d'exposer à Winterthour, et en 1918 il entreprend à Uriage-les-Bains six grands paysages pour un autre amateur suisse.


Pierre Bonnard - La Symphonie pastorale (1916)

Pierre Bonnard - Le Paradis terrestre (1920)

Pierre Bonnard - Monuments (1920)

Les années 1920 lui apportent aisance et notoriété. La même année il réalise la scénographie de Jeux, sur une musique de Claude Debussy pour les Ballets suédois et Vaslav Nijinski

Durant les années 1920, le peintre multiplie les paysages sur lesquels il reste longtemps, laissant à l'occasion les couleurs et la lumière du Sud envahir les tableaux peints dans le Nord, et réciproquement. Ses nus, moins voluptueux, s'intéressent davantage à la beauté plastique, non sans suggérer au passage la mélancolie de Marthe. Le peintre approfondit enfin son travail sur les natures mortes, soit isolées, soit au premier plan de ses scènes domestiques, s'attachant à rendre ce que Pierre Reverdy appelle « l'humble psychologie des choses ».


Pierre Bonnard  - Paysage printanier (après 1923)

Pierre Bonnard - Le Corsage rouge (Marthe Bonnard), 1925

Pierre Bonnard - Nature morte aux gâteaux (1929)

Pierre Bonnard- La Côte d’Azur (1923)

Pierre Bonnard - Paysage aux arbres verts (1921)

Modeste et conscient des difficultés du métier, Bonnard s'est toujours abstenu de critiquer ses amis peintres. Fidèle toute sa vie aux compagnons de la première heure, il lui arrive encore de travailler avec Vuillard, sans doute le plus proche. À Vernon défilent les amis du couple, même si Marthe prend de plus en plus ombrage de toute présence : Natanson, Misia, les Besson, les Hahnloser, les Bernheim, Ambroise Vollard ou Jos Hessel.


Pierre Bonnard -  Le petit déjeuner de Misia Natanson (1899)

Pierre Bonnard - Portrait d'Ambroise Vollard (1904)

Claude Monet vient aussi, quand ce n'est pas Bonnard qui se rend à Giverny. Nonobstant leur différence d'âge et leurs divergences sur la composition ou la peinture en plein air, ces deux artistes peu bavards se comprennent : le maître s'enquiert des travaux de son cadet toujours déférent, exprimant son avis d'un geste ou d'un sourire. Leur complicité s'augmente des explorations chromatiques de Bonnard — jusqu'au vide laissé par le décès de Monet fin 1926.


Pierre Bonnard - Marthe Bonnard et Claude Monet dans la salle à manger de Giverny (1920)

Bonnard poursuit en parallèle un dialogue artistique avec Henri Matisse, entamé vers 1905 en dépit de leurs parcours distincts (période fauve de Matisse par exemple). Chacun a acquis chez Bernheim des toiles de l'autre et suit avec intérêt son évolution. Leur correspondance avait commencé par une carte postale de Matisse ne contenant que les mots « Vive la peinture ! Amitiés » : elle durera jusqu'à la fin.

La toile de Pierre Bonnard  "Les Trois Grâces" 1908 aurait pu être un clin d'œil à la toile de 1904 d'Henri Matisse Luxe Calme et Volupté. 


Henri Matisse - Luxe, calme et volupté 1904

Pierre Bonnard - Les Trois Grâces, 1908

En 1924, une rétrospective de son œuvre lui est consacrée à la galerie Eugène Druet à Paris, 68 tableaux peints entre 1890 et 1922 sont exposés.


Pierre Bonnard - La terrasse à Vernon (1925)

Pierre Bonnard - La terrasse à Vernon, 1928

Il achète en 1926 la villa « Le Bosquet » au Cannet, où il se retire pendant la Seconde Guerre mondiale et où il passera les dernières années de sa vie. Là, il vit une osmose complète avec la nature. La même année, il illustre Les Histoires du petit Renaud de l'écrivain et illustrateur Léopold Chauveau. Il traverse ensuite une période d'introspection, durant laquelle il peint des intérieurs et des scènes de rues nocturnes. Ces thèmes anodins sont à la fois joyeux et poignants, comme s'il cherchait à représenter une certaine idée du temps perdu.


Pierre Bonnard - Le Bosquet

Pierre Bonnard - Paysage du Cannet (1923)


« Cette passion périmée de la peinture » (1930-1947) :

« Les années 1930 sont pour Bonnard des années d'intense travail, mais aussi de lutte. » Très actif jusqu'à la fin, il maintient son cap en dépit des critiques. De plus en plus souvent retiré au Cannet, il affronte, non sans angoisse parfois, les difficultés de l'âge, la guerre, et la mort de ses proches. Il se réfugie dans sa peinture, toujours plus rayonnante. 


Pierre Bonnard - Nature morte avec une casserole (1930)

Pierre Bonnard - Nu dans le bain (1937)

Pierre Bonnard - Paysage du Cannet (1938)

Si sa cote a pu pâtir de la Grande Dépression comme d'une désaffection pour les Impressionnistes auxquels il est assimilé, Bonnard demeure l'un des peintres les plus connus de sa génération. Mais c'est aussi l'époque où l'avant-garde considère que peindre « de nature » n'est plus possible et où Aragon prédit que cet art ne sera bientôt plus qu'« un divertissement anodin réservé à des jeunes filles et à des vieux provinciaux ».


Pierre Bonnard - L'atelier au mimosa, 1939-1946

Pierre Bonnard -  Nu Au Petit Chien 1941-1946


Pierre Bonnard- St François de Sales (1942)


Les dernières années du peintre sont assombries par l'insociabilité de Marthe puis sa disparition, après celle de plusieurs amis dont Edouard Vuillard en 1940. Son épouse, Marthe, meurt le 26 janvier 1942. 

Ses derniers autoportraits trahissent la mélancolie de Bonnard. Il n'accepte d'être photographié, par Gisèle Freund ou Brassaï, en 1946, que dans son atelier, en train de peindre. Pourtant, la couleur explose sur ses paysages et il confie à un visiteur : « Jamais la lumière ne m'a paru si belle. » Il a encore l'énergie de rencontrer de jeunes peintres et d'aller voir à Paris ses expositions ou d'autres, comme le premier Salon des réalités nouvelles.


Pierre Bonnard - Vue des toits du Cannet (1942)

Pierre Bonnard - Vue panoramique de Cannet or la montagne bleue , (1942 -1944)

Du 7 au 20 octobre 1946, Bonnard monte une dernière fois à Paris.

Il s'arrête au passage chez son neveu Charles Terrasse, conservateur du château de Fontainebleau, et retouche L'Atelier au mimosa, envahi de jaune, ou encore Le Cheval de cirque, souvent rapproché de l'autoportrait de 1945 et présenté avec d'autres toiles au Salon d'automne. Il accepte l'idée d'une rétrospective organisée par le MoMa à New York pour son quatre-vingtième anniversaire.


Pierre Bonnard - Le Cheval de cirque (1946)

De retour au Bosquet, où sa nièce Renée s'est installée depuis la fin de la guerre, il sent ses forces décliner rapidement. Alité, il songe à L'Amandier en fleur peint au printemps précédent : « ce vert ne va pas, il faut du jaune… », dit-il à Charles venu le voir. Celui-ci l'aide à tenir son pinceau pour en ajouter, à gauche du pied de l'arbre. Pierre Bonnard s'éteint quelques jours plus tard, le 23 janvier 1947.  Il est inhumé au cimetière Notre-Dame-des-Anges du Cannet : la dalle porte simplement son nom et ses dates, sous ceux de Marthe.


Pierre Bonnard - L’Amandier en fleurs, 1946-1947


Son influence sur ma façon de peindre et mes impressions:

Pierre Bonnard le peintre du bonheur, avec ces couleurs éblouissantes, il faisait partie du mouvement Nabis avec Edouard Vuillard. Il peignait des scènes intimistes et des paysages ruisselants de couleurs, sa technique était ouatée et son dessin libre. J'ai toujours adoré sa palette, Bonnard est à mes yeux l'un des grands coloristes de notre temps, Bonnard m'a influencé quand je traitais de sujet ayant trait à ma famille, ma femme, mes enfants dans des instants de bonheur.



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