Henri Edmond Cross (20/05/1856 - 16/05/1910) - Partie 2, les années tardives

Henri Edmond Cross - La Mer Clapotante (1902 - 1905)


Avec Seurat et Signac, Cross est l'un des trois représentants du néo-impressionnisme. Brillant coloriste de la fin du siècle, il a exercé une influence déterminante sur la naissance du fauvisme. L'année 1891 est capitale pour lui : il adopte le divisionnisme alors que Seurat vient de mourir, et s'installe définitivement dans le Midi. À partir de 1903 et jusqu'à sa mort en 1910, Cross réalise le meilleur de son œuvre.


Maximilien Luce, Portrait de Henri Edmond Cross, 1898

La vie dans le sud de la France, va représenter pour lui (comme pour Signac d’ailleurs) un moment clé dans le parcours de sa carrière, une autre compréhension de la lumière plus claire qu’il fera onduler au gré de ses envies et de ses goûts, la pratique de la division de ton, une nouvelle direction à sa peinture. 

Les années tardives :

I - L'œuvre de Cross de 1891 à 1899 :

Les peintures de Cross du début au milieu des années 1890 sont typiquement pointillistes, avec de minuscules points de couleur placés étroitement et régulièrement.


Henri Edmond Cross - La Ferme, matin, 1893

Henri Edmond Cross - La Ferme, le soir, 1893


À partir de 1895 environ, il a progressivement modifié sa technique, utilisant plutôt de larges coups de pinceau en blocs et laissant de petites zones de toile nue exposées entre les traits. Les surfaces résultantes ressemblaient à des mosaïques, et les peintures peuvent être considérées comme des précurseurs du fauvisme et du cubisme. 


Henri Edmond Cross - Bords Méditerranéens (1895)
Henri Edmond Cross - Le nuage rose (1896)

Henri-Edmond Cross - La terrasse  (vers 1901)


Dans le style pointilliste, de minuscules taches de peinture étaient utilisées pour mélanger harmonieusement les couleurs; en revanche, la stratégie du «néo-impressionnisme de deuxième génération» était de garder les couleurs séparées, ce qui se traduisait par des «effets visuels chatoyants vibrants par contraste». Cross a déclaré que les néo-impressionnistes étaient "beaucoup plus intéressés à créer des harmonies de couleurs pures, qu'à harmoniser les couleurs d'un paysage particulier ou d'une scène naturelle". 


Henri Edmond Cross - Paysage de Bormes

II - Son influence sur d'autres artistes peintres :

Matisse et d'autres artistes ont été très influencés par la croix de fin de carrière, et ces œuvres ont joué un rôle déterminant dans la formation des principes du fauvisme. Parmi les autres artistes influencés par Cross, on trouve André Derain, Henri Manguin, Jean Metzinger et Louis Valtat.


Henri Matisse - Tulipes Peroquet (1905)

André Derain - Big Ben (1906)

Henri Manguin - Le Rocher (La Naïade, Cavalière)s - 1906

Jean Metzinger - Paysage (Coucher de Soleil n°1), 1906

Louis Valtat - Bord de mer aux rochers rouges (Vers 1903)

III - L'œuvre de Cross à partir de 1900 :

Entre 1895 et 1900, annonçant le Fauvisme, Cross résout parfois le dilemme nature-abstraction dans le jaillissement de la couleur pure. Converti à la touche large de Signac, il confirme cette évolution après son voyage à Venise en 1903. Ses paysages touffus peuplés de nus sont prétextes à l'analyse lyrique, à l'exaltation colorée de la lumière.


Henri Edmond Cross - Cap Layet

En 1904, Cross peint Le Cap Layet qui est un des nombreux sites de la côte provençale peints par Cross. Les éléments naturels servent de cadre à la composition. Le sol et deux pins très sinueux se détachent nettement sur la droite du tableau, au premier plan. Traités dans des valeurs foncées et des couleurs froides, bleu et vert, les arbres dessinent des arabesques purement décoratives. Les branches et les troncs, dégagés de toute réalité, sont prétexte à des lignes courbes dont le dessin autonome contraste avec l'ensemble du tableau. À l'arrière-plan, les motifs du paysage ensoleillé ne respectent pas davantage le ton local. Les passages et les gradations se font dans des couleurs plus lumineuses et plus transparentes mais tout aussi éclatantes et expressives que celles des arbres.

Quelques autres œuvres :


Henri Edmond Cross - Vue de Menton (1899 - 1900)

Henri Edmond Cross - Le vent d'est méditerranéen (1902)

Henri Edmond Cross - Les Cyprés (1904)

Henri Edmond Cross - Paysage de la Chaine des Maures (1904)


IV - Première exposition personnelle à la galerie Druet à Paris :

En 1905, la galerie Druet à Paris monte la première exposition personnelle de Cross, qui présente trente peintures et trente aquarelles. Le spectacle a été très réussi, a reçu des éloges de la critique, et la plupart des œuvres ont été vendues. 

Henri Edmond Cross - Ponte San Trovaso (1902 - 1905)

Henri Edmond Cross - Rio San Trovaso, Venise (1903 - 1904)

Henri-Edmond Cross - Murano, matin, 1903-1904


Le poète symboliste belge Emile Verhaeren, fervent partisan du néo-impressionnisme dans son pays, a fourni la préface du catalogue de l'exposition, en écrivant:

"Ces paysages ... ne sont pas simplement des pages d'une pure beauté, mais des motifs incarnant un sens lyrique de l'émotion. Leurs riches harmonies satisfont l'œil du peintre et leur vision somptueuse et luxuriante est un délice pour le poète. excès. Tout est léger et charmant ... "


Henri Edmond Cross - Barque à voiles sur la Giudecca ou Venise, Marine, 1903-1905

Henri Edmond Cross - San Giorgio Maggiore, Venise

Henri Edmond Cross - Voiles près de Chioggia


Cette exposition marque enfin le succès : 9 toiles, 4 panneaux et 24 aquarelles ont été vendues. En réponse aux éloges d'Emile Verhaeren,  Cross lui écrit que toutes les œuvres sur Venise sont parties.


Henri-Edmond Cross - Canal Vénitien (1903)

Henri-Edmond Cross - Venise

Henri Edmond Cross - Régate à Venise

Henri Edmond Cross - Vue du bassin de Saint-Marc (1905)

V - L'œuvre de Cross de 1906 à sa mort :

Au début des années 1880, Cross commença à avoir des problèmes avec ses yeux, qui devinrent plus graves dans les années 1900. Il souffrait également de plus en plus d'arthrite. Au moins en partie à cause de ces problèmes de santé qui l'ont tourmenté pendant des années, le travail de Cross est relativement restreint. Cependant, dans ses dernières années, il a été productif et très créatif, et son travail a été présenté dans des expositions personnelles importantes; il a été très bien accueilli par la critique et a connu un succès commercial. Tout était prétexte à une recherche du bonheur, d’une harmonie plus pure dans les lignes et les couleurs.

Quelques autres œuvres :

Henri Edmond Cross - Côte Provencale, le Four des Maures (1906)

Henri Edmond Cross - La Plage de Saint-Clair (1906 - 1907)

En 1907, Henri-Edmond Cross réalise La Plage de Saint-Clair , saisie éblouissante de la sérénité en tons rouges, roses et jaunes, sous l’arabesque d’un pin parasol. 


Henri Edmond Cross - Le Naufrage (1906 - 1907)


L'effet dramatique de "Naufrage" est obtenu par les contrastes de couleurs pures et stridentes appliquées brutalement. Sur un ciel d'orage, le minuscule voiler lutte contre une mer ennemie dont les tons de bleus cobalt et de vets évoquent la profondeur mortelle. Les bleus intenses s'opposent au rouge orangé de la voile auxquelles répondent les touches rouges sang du rocher. 


Henri Edmond Cross - Après-midi à Pardigon, Var (1907)

Henri Edmond Cross - Antibes, Après-midi (1908)

Henri Edmond Cross - Cyprès à Cagnes (1908)



Les nymphes et les baigneuses:

Peignant de préférence sur la côte méditerranéenne, du côté du Lavandou et du massif des Maures, dont les roches rouges convenaient à son envie de couleurs intenses. Après 1900, Cross, toujours en compagnie de son ami Signac, assiste au surgissement de la génération qui est devenue celle du fauvisme en 1905. Sa manière de travailler en est modifiée, dans son style comme dans ses motifs. Des baigneuses apparaissent au bord de l'eau et dans les sous-bois, dansant parfois une ronde. 


Henri Edmond Cross - La Ronde (étude pour La clairière) , vers 1906 - 1907

Henri Edmond Cross - La fuite des nymphes (1906)

Henri Edmond Cross - Les nymphes (1906)

Henri Edmond Cross - Le Scarabée (1906-1907)

Henri-Edmond Cross - Femme dans l'arbre (étude pour la clairière) 1906-1907


En 1909, Cross fut soigné dans un hôpital parisien pour un cancer. En janvier 1910, il retourna à Saint-Clair, où il mourut du cancer à quatre jours de son 54e anniversaire, le 16 mai 1910. Sa tombe, au cimetière du Lavandou, présente un médaillon en bronze que son ami Théo van Rysselberghe avait conçu. En juillet 1911, la ville natale de Cross, Douai, organise une exposition rétrospective de son œuvre.


Henri Edmond Cross - Les Petites-Maures, montagnes près de Fréjus, 1909


VI - Sélection d'expositions:

En plus des expositions mentionnées ci-dessus, Cross a participé à de nombreuses autres. Octave Maus l'a invité à exposer son travail dans plusieurs des expositions annuelles des XX. Cross participa au salon Libre Esthétique de 1895 à l'invitation de Maus, ainsi qu'à ceux de 1897, 1901, 1904, 1908 et 1909. En 1898, il participa avec Paul Signac, Maximilien Luce et Théo van Rysselberghe au premier néo-impressionniste exposition en Allemagne, organisée par Harry Kessler à la Keller und Reiner Gallery (Berlin). En 1907, Félix Fénéon assemble une rétrospective de la Croix à Paris à la Galerie Bernheim-Jeune, Maurice Denis contribuant à la préface du catalogue. D'autres lieux avec des expositions Cross incluaient L'Art Nouveau à Paris de Samuel Bing, la Galerie Durand-Ruel (Paris), la Galerie Cassirer (Hambourg, Berlin), l'exposition Toison d'or (Moscou), l'Aquarelle et pastel de Bernheim-Jeune, et bien d'autres. , y compris des galeries à Paris, Dresde, Weimar et Munich.


Le Ranelagh, 1899 de Henri Edmond Cross (1856-1910)

La Forêt, 1906 de Henri Edmond Cross (1856-1910)


VII - Henri Edmond Cross aquarelliste : 

Cross accordait une attention particulière au dessin. Légère et rapide, l'aquarelle lui permettait de s'affranchir des règles strictes de l'élaboration du tableau pointilliste. 


Henri Edmond Cross - Les Barques


« Je me repose de mes toiles par des essais à l'aquarelle et des esquisses en me servant de cette matière. C'est amusant. L'absolue nécessité d'être rapide, hardi, insolent même, apporte dans le travail une sorte de fièvre bienfaisante... » écrivait Cross au peintre Angrand. 


Henri-Edmond Cross -  d'Après Paysage d'été


Installé près de Saint-Tropez, comme Signac, Cross trouve dans cette technique le moyen le plus sensible pour rendre la limpidité des lumières et des paysages méditerranéens.


Henri-Edmond Cross -  Attribué à Paysage d'été


Contrairement à Signac, Cross n'utilisait presque jamais l'encre ou le crayon pour structurer sa composition ou cerner certains motifs. Il employait directement l'aquarelle posée d'un seul jet spontané et rapide sur le blanc du papier qui restait toujours présent, devenant ainsi un élément de liaison entre les couleurs et donnant une forte impression de lumière et de transparence.


Henri-Edmond Cross -  Paysage méditerranéen


Cross exécuta de nombreuses aquarelles, certaines comme de simples prises de notations sur le motif, et d'autres, plus composées et conçues comme des œuvres à part entière. Mais il était aussi un merveilleux dessinateur. Si certaines pièces se révèlent être des études préparatoires pour des peintures, avec parfois des mises au carreau, d'autres s'affirment comme des œuvres à part entière. Les aquarelles de Cross annoncent le Fauvisme.


Henri Edmond Cross - Paysage

Henri-Edmond Cross -  Etude pour le Cap Nègre, vers 1906

Henri-Edmond Cross - Femme dans les dunes rouges (La Baie de Cavalière), vers 1906-1907

Henri-Edmond Cross - Rochers au Trayas, 1902

Henri-Edmond Cross -  Cap Nègre


VIII - Son influence et mes impressions:

Henri Edmond Cross est à mes yeux un grand coloriste d'une grande sensibilité. À certains moments, mes peintures se sont souvent rapprochées de son style, par le choix de la palettes, des sujets, et dans la douceurs des couleurs . C'est un peintre que j'affectionne autant que Paul Signac.

J'aime sa peinture provençale, car ses touches se sont agrandies et ses peintures sont devenues au file du temps plus colorée, mais toujours avec beaucoup de douceur. Ses sujets de prédilection ont été les paysages idylliques de Provence qu'il peuplait souvent de nymphes ou de baigneuses à l'instar des peintre symbolistes, tel que Puvis de Chavannes. Quand je contemple ses toiles, à chaque fois c'est pour moi une grande source d'émerveillement.


Henri Edmond Cross - Excursion (1894)



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